Ces dix dernières années, les produits et solutions innovantes de l’économie ont dynamisé la croissance. Les technologies permettant de rendre nos activités plus durables sont venues à maturité et ont trouvé de larges applications. Dans le même temps, grâce à la transformation numérique, de nombreux processus peuvent ainsi être organisés de manière plus efficace, plus durable et à plus faible coût.
Mais il est aussi apparu clairement au cours des dernières années que l’augmentation des besoins d’énergie, la croissance démographique, l’industrialisation et l’urbanisation ont perturbé le climat. Il faut des technologies propres qui réduisent les émissions et augmentent l’efficacité énergétique et des matières. Ces technologies sont souvent regroupées sous le terme Cleantech. Elles peuvent apporter une contribution significative à la modernisation du monde. La Suisse peut largement participer à ce processus grâce aux solutions innovantes que notre pays développe, applique puis exporte.
Matthias Bölke, Président de swisscleantech (jusqu'en mars 2019)
Les dix prochaines années montreront si l’homme parvient à limiter, voire à éviter les coûts induits par le changement climatique. Il faudra impérativement employer les nouvelles technologies de manière ciblée, créer les bonnes conditions-cadre et une société moderne et progressive. C’est tout l’objet de notre publication.
in eine nachhaltige Zukunft 12 étapes vers un
avenir durable
#1 Adapter les bâtiments pour gagner en efficacité
#2 Produire de la chaleur sans CO2
#3 Electrifier les transports
#4 Créer des chaînes de mobilité et flexibiliser le travail
#5 Augmenter la production d’électricité durable
#6 Créer de nouvelles incitations sur le marché de l’électricité
#7 Investir dans les réseaux électriques et le stockage
#8 L’énergie la moins chère est celle qui n’est pas consommée
#9 Power-to-X: craquage de l’eau avec l’énergie solaire
#10 Favoriser l’économie circulaire
#11 Le CO2 doit avoir un prix mondialement
#12 Exploiter les avantages de la numérisation
L’Accord de Paris sur le climat définit l’objectif: la hausse globale de la température doit être inférieure à 2 degrés Celsius, voire 1,5 degré si possible. Les résultats des recherches sur le climat sont clairs: pour que cela soit possible, le monde devra être neutre en CO2 au plus tard en 2050. Cela signifie qu’à l’avenir, il ne faudra pas émettre plus de CO2 qu’il n’en est pris dans l’atmosphère.
Les experts sont d’accord: l’objectif peut être atteint. Pour cela, notre approvisionnement énergétique doit passer entièrement aux énergies renouvelables d’ici 2050. Différentes études montrent que la conversion serait faisable dès maintenant avec les technologies actuelles. De nouvelles innovations ouvriront aussi de nouvelles possibilités.
La situation est donc différente de celle des années 1980. A l’époque, c’était la première fois qu’on discutait publiquement du changement climatique, et seul le renoncement à notre niveau de vie semblait une solution. Aujourd’hui, il existe de bonnes chances de trouver une voie pour préserver notre qualité de vie, voire l’améliorer, et néanmoins enrayer le changement climatique.
Qu’est-ce qui diffère aujourd’hui? Quasiment personne n’avait prévu les immenses évolutions technologiques qui rendent possible une prospérité climato-compatible. Comment? C’est ce que nous voulons montrer dans cette publication.
Paradis ou apocalypse? Quel sera le scénario du futur? Ces dernières années, il a surtout été question d’apocalypse, nous ne prenions pas la peine d’imaginer un avenir positif. Mais les images sont puissantes. swisscleantech veut donc développer dans cette publication une vision positive montrant que: oui, ça marche! Nous nous concentrerons essentiellement sur le CO2, c’est dans ce domaine qu’il y a beaucoup de travail – et beaucoup de possibilités de solutions. Bien sûr, les mesures visant à réduire les autres gaz à effet de serre ont aussi leur importance et doivent progresser en parallèle.
Les douze chapitres décrivent ce que devront être les caractéristiques du monde moderne (et de son économie) pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris. Y parvenir sera un défi autant qu’une opportunité. La transformation nécessaire de nos infrastructures créera en effet de nouveaux secteurs d’activité. swisscleantech est convaincu que les entreprises suisses pourront profiter de ces chances. La force de l’économie suisse réside dans son innovation – précisément ce dont nous avons besoin pour construire un avenir respectueux du climat.
Mais la Suisse n’est pas seule. Des pays comme la Suède, le Royaume-Uni et les Pays-Bas se sont déjà fixé des objectifs plus ambitieux que les nôtres. La Chine aussi s’engage et a réalisé par exemple en 2016 un tiers du total de ses investissements dans les énergies renouvelables. Même les Etats-Unis refusent d’obéir à leur président en matière de climat. Dix Etats, dont la Californie et New York, et plus de 270 villes ont dit clairement qu’ils voulaient continuer de respecter les engagements de l’Accord de Paris: «We are still in».
La Suisse, nation innovante, doit aller de l’avant pour ouvrir des perspectives économiques et fonctionner comme un modèle avec les autres pays s’engageant dans cette voie. Cela créera un effet d’entraînement pour plus d’innovations et plus de solutions. A swisscleantech, nous disons donc «we are in». Venez nous rejoindre.
Les bâtiments sont à l’origine de 50 pour cent de la consommation d’énergie et 26 pour cent des émissions de CO2 suisses. C’est donc un facteur majeur dans la lutte contre le changement climatique. Des bâtiments énergétiquement efficaces seront un élément essentiel de la solution.
Les techniques ont fait d’énormes progrès ces 30 dernières années en matière d’efficacité énergétique. Les constructions modernes sont économes en énergie et offrent un meilleur confort été comme hiver. En été, leur refroidissement nocturne permet de garder la fraîcheur. En hiver, les surfaces intérieures, murs et fenêtres, à température élevée assurent une atmosphère ambiante agréable.
Dans la construction neuve, l’efficacité énergétique est aujourd’hui la norme. Rendre le parc immobilier suisse respectueux du climat passe donc d’abord par la modernisation des bâtiments actuels. De nombreuses technologies utilisées dans la construction neuve peuvent être appliquées dans l’assainissement. De nouveaux produits apparaissent aussi sans cesse sur le marché, par exemple des matériaux d’isolation à base d’aérogel qui permettent d’amincir la couche d’isolant. Cela laisse plus de liberté de conception aux architectes et permet aussi l’assainissement des bâtiments historiques sans changer leur aspect extérieur. Les modules solaires sont aussi disponibles aujourd’hui en diverses couleurs et formes; grâce à la forte baisse des prix, ils sont abordables même pour des surfaces faiblement ensoleillées. Les architectes intègrent d’ailleurs maintenant souvent des façades solaires qui viennent renforcer l’attractivité du bâtiment.
Il faut profiter des travaux de rénovation pour moderniser les bâtiments. On peut alors combiner l’amélioration du confort, de l’isolation phonique, des plans et du climat intérieur avec l’accroissement de l’efficacité énergétique. Si le projet augmente en même temps la surface habitable, les modernisations deviennent très rentables. Les investisseurs qui ont une vision de long terme misent sur ces modernisations d’ensemble, un entretien trop longtemps reporté conduisant souvent à une dégradation de la structure même du bâtiment.
Actuellement, le taux de modernisation n’est que de l’ordre d’un pour cent. Pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris, ce chiffre doit augmenter à deux pour cent. C’est le seul moyen d’assainir dans les 40 prochaines années une grande partie du parc immobilier construit avant 1980 et mal isolé. Pour y parvenir, il faut des horizons de placement à long terme, pour l’isolation de l’ordre de 40 ans. La rentabilité des modernisations en serait nettement améliorée. swisscleantech est convaincu qu’un amortissement sur 40 ans peut être attractif – grâce à des nouveaux partenariats innovants entre l’industrie du bâtiment, la finance et l’Etat.
L’automatisation recèle également un potentiel important d’économie. Il y a souvent beaucoup moins d’intelligence y compris dans les logements neufs que dans une machine à café. Dans les bâtiments hautement technologiques, les économies d’énergie peuvent s’élever à 30 pour cent et même davantage rien qu’avec une meilleure régulation. L’automatisation est alors rentabilisée en moins de cinq ans. Pour tous les bâtiments extérieurement en bon état, l’amélioration de la régulation est souvent la première étape vers l’efficacité énergétique.
Remplacer partout les chauffages au fuel et au gaz par des pompes à chaleur ou chauffages au bois pour réduire le CO2? Non, la meilleure solution consiste à combiner amélioration de l’isolation et sources d’énergie renouvelable. Pourquoi? Parce que le potentiel d’énergie renouvelable est nettement supérieur à la demande d’énergie. Mettre cette énergie à disposition au bon moment reste néanmoins coûteux. L’efficacité énergétique sera donc toujours primordiale.
La pompe à chaleur reste le moyen de chauffage favori. Sa part de marché est actuellement de 80 à 90 pour cent dans la construction neuve. Mais elle se développe aussi dans l’ancien – combinée à l’amélioration de l’isolation, le résultat est très concluant. Les pompes à chaleur sont très pertinentes énergétiquement avec la géothermie, les eaux souterraines, l’eau des lacs ou les rejets de chaleur. Elles fournissent de la chaleur avec une faible consommation d’électricité, soulageant ainsi la production d’électricité en hiver.
Les réseaux de chaleur sont idéals dans les zones à forte densité. La multitude de chauffages individuels est remplacée par une centrale. Ces réseaux permettent de combiner chauffage et refroidissement et d’utiliser les rejets thermiques des installations industrielles et centres de calcul. Les réseaux basse température dans lesquels circule de l’eau entre 10 et 30 degrés Celsius sont très intéressants. Grâce aux pompes à chaleur, ces réseaux peuvent chauffer comme refroidir. Si un réseau de chaleur est combiné à un champ de sondes géothermiques, l’énergie peut aussi être stockée – de l’eau chaude sera produite en été, son énergie sera stockée profondément sous terre puis réutilisée en hiver.
Le potentiel de la géothermie profonde est aussi considérable. Les forages vont à plusieurs milliers de mètres de profondeur pour utiliser l’énergie de la roche chaude au coeur de la terre. Dans les zones fortement peuplées ou les villes-centres où l’amélioration énergétique du parc immobilier est parfois difficile, la géothermie représente une solution intéressante pour fournir de l’énergie aux réseaux de chaleur. Ils peuvent aussi être alimentés par les rejets thermiques d’installations de traitement de déchets.
Le rôle du couplage chaleur-force sera également majeur. Ces installations produisent à la fois de l’électricité et de la chaleur, utilisées pour un bâtiment ou un réseau de chaleur. Leur rendement sera encore plus élevé si électricité et chaleur doivent être fournies simultanément. Et si de surcroît la source d’énergie est exempte de CO2, par exemple du biogaz, la contribution à la protection du climat sera significative.
On verra si le bois jouera encore un rôle important pour le chauffage en 2050. Car il est en fait prédestiné à produire de la chaleur entre 100 et 300 degrés Celsius, ce qui le rend particulièrement attractif pour des applications industrielles. Il sera également de plus en plus employé comme matière première dans l’industrie chimique, la fabrication de pièces et la construction. La protection du climat offrira de nouvelles opportunités à l’économie forestière.
Nous aimons nous déplacer – mais cela ne doit pas se faire aux dépens de l’environnement: les transports sont actuellement avec 32 pour cent l’un des principaux émetteurs de gaz à effet de serre. L’amélioration viendra des véhicules électriques bien supérieurs aux véhicules traditionnels sur le plan de l’efficacité énergétique, des émissions de CO2 et des gaz d’échappement, d’autant plus lorsque l’électricité provient de sources renouvelables. Grâce aux progrès des batteries, les véhicules pourront parcourir des distances de plus en plus longues. Une Tesla S ou uneOpel Ampera roulent plus de 400 km avec un chargement. C’est amplement suffisant vu que nous parcourons en moyenne 38,5 km par jour, dont l’essentiel en agglomération. La distance est donc rarement l’élément déterminant.
Les moteurs électriques demandent aussi bien moins d’entretien que les moteurs à combustion et leur fabrication est plus économique. Les batteries sont actuellement le principal facteur de coûts: jusqu’à 50 pour cent du prix du véhicule. Mais les prix baissent rapidement – environ 20 pour cent par an. Après 2025, un véhicule électrique devrait être moins cher qu’un véhicule thermique.
Les batteries actuelles conviennent moins aux longs trajets sans interruption. Pour le transport des marchandises, les véhicules rouleront donc probablement dans le futur avec des carburants liquides ou gazeux.
Dans ces véhicules, les piles à combustible remplaceront les batteries; combinées aux moteurs électriques, elles sont bien plus efficaces que les moteurs à combustion actuels. Il y aura aussi peut-être des poids lourds électriques qui, comme les trolleybus, seront alimentés sur les autoroutes par une caténaire. Des tronçons de ce type sont à l’essai en Suède.
L’électrification des transports ouvre de nouvelles possibilités. Les voitures restent stationnées, inutilisées, la majeure partie du temps – en des lieux très variés. A l’avenir, elles pourront être connectées au réseau électrique et contribuer à sa stabilisation, les batteries servant de tampons. Leur potentiel ne pourra toutefois être défini que lorsqu’on aura une idée plus claire de la nature des infrastructures et du mode de fonctionnement des véhicules. Par exemple, si la voiture autonome s’impose, le kilométrage par véhicule sera plus élevé et les temps de stationnement diminueront. Les batteries auraient alors moins d’importance pour stabiliser le réseau. Les évolutions seront aussi intéressantes dans le transport aérien. L’électricité pourrait s’imposer sur les courts et moyens courriers. Pour les longs courriers, les carburants synthétiques, que nous présentons au chapitre 9, seront tout indiqués. Il est possible que le transport aérien soit un peu plus lent. Car, même en étant neutres en CO2 avec de nouveaux carburants, les réacteurs, contrairement aux hélices, mettent le climat à rude épreuve: ils entraînent de la vapeur d’eau dans les hautes couches de l’atmosphère, ce qui accroît le changement climatique. L’avenir est donc à d’autres formes de propulsion.
La conduite autonome est l’exemple même de ce que permettent les nouvelles technologies. D’une part, les infrastructures existantes peuvent accueillir plus de véhicules. Et d’autre part de nouvelles liaisons porte-àporte sont tout d’un coup possibles, sans même avoir un véhicule à soi – parce que les chaînes de mobilité nous permettent d’atteindre notre destination rapidement et à moindre coût. Un taxi automatique viendra peut-être bientôt nous chercher à domicile pour nous amener jusqu’à un noeud de communication où nous prendrons le RER – un train Hyperloop circulant à vitesse quasi supersonique.
L’avenir peut se résumer ainsi: «mobility as a service». Nous indiquons notre besoin de mobilité au moyen d’une application et le service calcule différentes options et les évalue en fonction du coût, du temps et de l’impact environnemental. Plus on combine les options, plus on a de choix. L’utilisateur choisit entre transports publics, voiture de location, covoiturage ou vélo, ou peut proposer des places libres dans sa voiture sur une plateforme.
Une application intégrée permettrait de répercuter plus facilement tous les coûts de la mobilité sur l’utilisateur réel. Un facteur particulièrement important n’est toujours pas pris en compte à l’heure actuelle: le coût de la consommation d’espace. Si deux employés vont chacun en voiture de A à B à l’heure de pointe, ils augmentent les bouchons. S’ils voyageaient ensemble, ils n’occuperaient que la moitié de la place. S’ils prenaient le train, l’espace requis serait encore dix fois moindre. Actuellement, quelle que soit l’utilisation de l’espace, le coût est le même – à savoir nul.
Tant que le système peut absorber le trafic, la non-intégration du coût de l’espace ne dérange personne. Le jour où l’on se retrouve tous dans les bouchons, l’agrandissement des infrastructures est réclamé à cor et à cri. Cette solution est onéreuse et rarement pertinente – le bouchon ne sera souvent que déplacé. Des incitations peuvent aider à utiliser plus efficacement les infrastructures et les financer de manière plus juste.
Les nouvelles formes de travail contribuent aussi à améliorer la gestion des transports. Les horaires de travail flexibles autorisent les déplacements en dehors des heures de pointe, et le travail à domicile économise du temps, réduit le stress et les coûts de déplacement. Les moyens de communication modernes permettent souvent de choisir son lieu de travail, des réunions virtuelles de bonne qualité peuvent être organisées sans contact physique. Cette organisation de travail implique une nouvelle culture de la confiance: travail et présence au bureau ne vont plus automatiquement de pair.
Mais même si des vidéoconférences d’une qualité impressionnante sont maintenant disponibles, le contact social demeure important, d’où l’apparition dans tout le pays d’espaces de coworking pouvant être loué pour une journée, une semaine ou un mois. Ces lieux, souvent au centre des villes, seront bientôt implantés aussi dans les agglomérations, réduisant la distance entre le domicile et l’espace de coworking local. Les liaisons entre les villes-centres seront moins chargées et de tout nouveaux business models seront possibles.
Dans le monde entier, les investissements dans les énergies renouvelables sont en plein boom. Le solaire et l’éolien connaissent une croissance annuelle à deux chiffres depuis une bonne dizaine d’années. C’est bon pour les prix car ils baissent – en particulier le solaire. Alors que les coûts de production étaient de deux francs par kilowattheure en 1990, ils sont tombés aujourd’hui à cinq centimes dans les grandes installations. En d’autres termes, les coûts de production de l’éolien et du solaire sont actuellement équivalents, voire inférieurs à ceux des autres technologies, à plus forte raison si l’on tient compte des coûts externes de la pollution de l’air et du changement climatique. De ce point de vue, l’électricité renouvelable est aujourd’hui très compétitive.
Actuellement, l’approvisionnement électrique suisse est largement assuré par la production intérieure. Les centrales nucléaires vont être progressivement découplées du réseau dans les deux prochaines décennies. Cette production devra être remplacée, avec un défi de taille en hiver. Les centrales fossiles ne sont pas la solution à long terme en raison du changement climatique. Il faut donc miser tout de suite sur les renouvelables.
L’éolien et le solaire se complètent très bien: les éoliennes fournissent deux tiers de leur énergie en hiver, les installations solaires deux tiers en été – on peut donc produire assez d’énergie pendant toute l’année avec ces deux technologies. Leur potentiel en Europe est très important et loin d’être entièrement exploité. Il en va de même en Suisse: il existe un grand potentiel solaire inutilisé, en particulier sur les surfaces des bâtiments. Le potentiel éolien est plus réduit, limité à 10 pour cent maximum des besoins en électricité. Les possibilités de production d’électricité renouvelable sont donc restreintes en hiver malgré l’importante contribution de l’hydraulique en Suisse. Cela vaut néanmoins la peine de développer le photovoltaïque dans la perspective hivernale car il pourra encore fournir un tiers de sa production annuelle durant cette période.
En Suisse, la question de l’approvisionnement par de l’électricité autoproduite est moins technique que politique. Des simulations montrent que les besoins pourraient être couverts en totalité – mais probablement pas au meilleur coût. Il est préférable que la Suisse mise sur un mix adapté d’autoproduction et d’importations. Les entreprises d’approvisionnement en énergie suisses s’engagent déjà à l’étranger, soit en construisant des installations soit en participant à leur financement.
Quel que soit le potentiel du solaire et de l’éolien, il faut rester ouvert à d’autres technologies. swisscleantech a déjà publié en 2014 une liste de critères positifs auxquels de nouvelles technologies énergétiques devraient satisfaire. Mais les coûts de l’électricité renouvelable étant en forte baisse (une baisse qui va continuer), il est fort probable que les énergies renouvelables – le solaire, l’éolien, l’hydraulique et également la biomasse – s’imposeront comme les technologies dominantes.
Pour agir contre le changement climatique, il faut augmenter rapidement la part des énergies renouvelables car chaque kilowattheure d’électricité renouvelable réduit significativement les émissions de CO2 – d’autant plus si l’on accroît l’efficacité énergétique. La production des installations solaires et éoliennes est cependant tributaire de la météo – comme celle des centrales hydrauliques d’ailleurs. Production et besoins n’évoluent pas toujours en parallèle. Mais le coût du stockage direct baisse, avec des projets très prometteurs. Cela fait émerger une nouvelle chaîne de création de valeur. L’électricité produite par des installations photovoltaïques ne coûtera bientôt plus que cinq centimes le kilowattheure, voire moins.
Le développement des installations de production d’électricité renouvelable peut conduire à ce que tout ne puisse pas être utilisé immédiatement, car la demande n’existe pas. L’électricité invendue est stockée puis revendue ultérieurement sur le marché. Les recettes de la vente différée couvriront alors les coûts d’investissement dans les installations de stockage. A l’inverse, il ne permet pas de contribuer à l’amortisation de l’installation solaire. Même si l’on tient compte des 30 pour cent d’excédent d’électricité photovoltaïque inutilisée, sa production au prix de 7 à 8 centimes reste plus avantageuse que celle des centrales au gaz ou au charbon. – et n’émet quasiment pas de CO2.
Il importe en même temps de bien gérer la demande d’électricité (demand- side-management) par rapport à la production pour réduire la part d’électricité n’étant pas directement utilisée.
Un défi de taille demeure néanmoins: le marché actuel de l’électricité n’est pas axé sur les énergies renouvelables mais sur les centrales fossiles. Depuis la libéralisation, les prix de l’électricité en Europe sont fixés sur les grandes bourses de l’électricité suivant le principe du «merit-order». Les marchés tiennent compte du coût des facteurs de production et non du coût moyen. A première vue, cela semblerait profiter aux énergies renouvelables dont le coût de production est faible. Les centrales au charbon et au gaz ont des coûts de combustible élevés alors qu’une installation photovoltaïque produit de l’électricité quasiment gratuitement lorsqu’il y a du soleil. Cette orientation des marchés pose problème.
La difficulté réside dans le fait que, dans le mécanisme de marché actuel, les coûts d’investissement n’entrent pas dans la fixation du prix de l’électricité. Conséquence: les investissements dans les nouvelles installations ne sont pas rentables car les prix continuent de baisser sur les marchés de l’électricité, et l’on observe une érosion des profits.
Le marché devrait être organisé de telle sorte que le prix de l’électricité reflète l’intégralité des coûts de production, non seulement le coût d’exploitation mais aussi les coûts d’investissement et coûts environnementaux. En intégrant tous ces coûts dans le prix de l’électricité, on obtiendrait une vraie courbe de la demande par rapport au prix, suffisante pour inciter les investisseurs à prendre des risques et construire des installations. Il n’existe pas encore actuellement de concept praticable pour réorganiser le marché de l’électricité, mais d’actives discussions sont en cours.
Pour la transition, il faut donc des investissements assurant la construction rapide de nouvelles installations. Les mises aux enchères se sont avérées positives à l’étranger. swisscleantech est favorable à la mise en place d’une solution de transition de ce type en Suisse. Sinon, notre pays pourrait connaître des difficultés d’approvisionnement en électricité.
Il est évident qu’en Europe, les liens entre producteurs d’électricité doivent se resserrer. Pour la Suisse, ce n’est pas nouveau. Notre pays a joué un rôle de plaque tournante de l’électricité pendant des décennies. En mettant en oeuvre une vraie politique climatique en Europe, les exigences de flexibilité vont s’accroître. Bonne nouvelle pour les producteurs d’électricité suisses qui pourront en profiter. Cela implique que notre pays continue de faire partie intégrante du système d’approvisionnement en électricité européen grâce à un accord bilatéral. Les centrales suisses pourront alors continuer de fournir des services utiles et contribuer à équilibrer les pointes de production d’énergie éolienne et solaire ou les périodes creuses.
Si la Suisse exporte de l’électricité pour satisfaire une forte demande à l’étranger, notre pays aura besoin à d’autres moments d’un supplément d’énergie pour couvrir sa propre consommation. Il s’agira de plus en plus souvent de l’électricité éolienne, disponible en grandes quantités en Europe et peu chère. Un business model écologique et économiquement intéressant sera ainsi créé pour nos centrales à accumulation et de pompage- turbinage.
Mais il ne fonctionnera que s’il existe suffisamment de capacités de transport. L’Europe et la Suisse ont donc tout intérêt à développer les réseaux, même si la réalisation n’est pas simple. Les infrastructures existantes – axes de transit ou lignes ferroviaires – pourraient être utilisées et les capacités de transport des lignes actuelles être renforcées.
Le transport en courant continu serait un apport majeur. Il faciliterait le transport de l’électricité sur de longues distances en minimisant les pertes. Quelques chercheurs affirment même que cette technologie permettrait de construire une «autoroute électrique» faisant le tour du monde. Les lignes de courant continu occupant moins de place, elles pourraient être enfouies, ce qui faciliterait les projets de développement.
Le renforcement des lignes de transport permettrait d’exploiter les capacités de production à l’étranger. La Suisse pourrait alors avoir intérêt à financer des installations hors de son territoire et gérer leur production comme de la production intérieure. Il faudrait pour cela un nouveau cadre légal; actuellement les producteurs suisses investissent à l’étranger uniquement dans de la production renouvelable destinée au pays d’implantation des installations, la réduction des émissions de CO2. étant alors attribuée à ce pays et non à la Suisse.
Pour exploiter de manière optimale les variations à court terme de l’offre d’électricité, les accumulateurs locaux et le décalage ciblé de la consommation d’électricité joueront un rôle essentiel, notamment en journée. Bien intégré dans le système d’approvisionnement, le stockage décentralisé pourrait contribuer à décharger les réseaux, par exemple en équilibrant les fortes variations horaires de consommation des ménages dans les agglomérations. Les coûts d’extension du réseau pourraient alors aussi être significativement abaissés.
Pour la consommation mobile – principalement les véhicules – les batteries au lithium, dont le prix ne cesse de baisser, domineront probablement le marché. Il existe encore un certain potentiel dans le développement des batteries, d’autres métaux et sels pourraient être employés, en particulier pour le stockage fixe.
Le défi est grand mais le passé a montré que notre industrie réussit toujours lorsqu’elle mise vraiment sur l’innovation. Elle doit continuer en ce sens car à l’heure actuelle l’économie suisse émet toujours 9,8 millions de tonnes de CO2 par an.
Le système d’engagements existant en Suisse depuis la première loi sur le CO2 en 2000 est un bon moyen pour accompagner l’économie sur la voie de la neutralité climatique. Pour conclure un engagement, les entreprises définissent avec une agence (par exemple l’Agence de l’énergie pour l’économie ou l’Agence Cleantech Suisse) une liste de mesures pour réduire leurs émissions et augmenter l’efficacité énergétique. Si l’entreprise respecte le plan de réduction fixé, elle est exonérée de la taxe sur le CO2. C’est une situation win-win. L’entreprise profite du transfert d’expertise et peut déterminer elle-même le calendrier de mise en oeuvre des mesures. L’Etat peut quant à lui compter sur des mesures parfois considérables de réduction sans perte d’emplois. Comme dans le bâtiment, la neutralité CO2 passe par la combinaison de l’efficacité énergétique et du remplacement des sources d’énergie. Le passage de combustibles fossiles à l’électricité pourra constituer une bonne solution si les énergies renouvelables connaissent un fort développement.
L’utilisation de la biomasse offre aussi de larges possibilités. Le bois-énergie (copeaux, granulés ou bois usagé) et la biomasse sèche à base de déchets pourraient être utilisés bien plus intensivement dans l’industrie, ils conviennent parfaitement pour générer des températures entre 100 et 300 degrés Celsius – une plage de température très fréquente dans de nombreux procédés industriels.
Mais il y a aussi des processus qui ne peuvent se passer de sources de carbone – par exemple dans le recyclage de l’acier. La fabrication d’acier à partir de ferrailles est bien plus efficace que l’extraction, mais ce procédé nécessite du méthane. Une partie de ce méthane peut déjà actuellement être remplacée par du biogaz, même si le prix est un peu plus élevé. A long terme, on peut imaginer employer du méthane synthétique produit à partir de CO2 et d’hydrogène (voir chapitre 9). La technologie existe déjà; si elle est appliquée à grande échelle, les prix baisseront.
Lorsque le CO2 s’échappe directement des matières premières dans le processus de fabrication, par exemple la fabrication de ciment, le défi est majeur. Sa composition même doit être modifiée. En remplaçant le calcaire par d’autres liants minéraux, les émissions pourraient être considérablement réduites. Les émissions résiduelles pourraient être éliminées par la séquestration géologique du CO2. La technologie de capture et de stockage du carbone se justifierait ici pleinement.
Pour les secteurs d’activité grands consommateurs d’énergie, le changement climatique est un enjeu crucial. Une certaine mutation structurelle est inévitable, il faut réduire l’utilisation du CO2 et des produits à forte consommation d’énergie ou trouver des produits de substitution. Dans cette mutation, le système d’échange de droits d’émission peut établir des conditions-cadre identiques pour tous.
Power-to-X est l’une des clés de l’approvisionnement énergétique durable. Car nous continuerons d’utiliser des substances chimiques qui dégagent leur énergie par une réaction chimique, par exemple la combustion de l’essence. Les réservoirs d’énergie chimiques à base d’hydrogène et de carbone se caractérisent par leur densité énergétique extrêmement élevée, comme le prouvent le charbon, l’essence ou le gazole. Il est donc très probable que ces deux éléments continueront d’être utilisés.
C’est là qu’entre en jeu la solution Power-to-X: X représente un vecteur énergétique chimique quelconque à base de carbone et d’hydrogène. Les possibilités d’application vont de la production d’hydrogène pur aux alcools, comme le méthanol, en passant par le méthane.
Tous les procédés Power-to-X sont basés dans un premier temps sur le craquage de l’eau avec une énergie renouvelable. L’hydrogène ainsi produit est déjà utilisable comme source d’énergie, mais guère adapté aux applications pratiques. Pour faciliter son utilisation, il faut un catalyseur et l’associer au CO2 pour produire les vecteurs énergétiques ci-dessus.
La technologie est connue depuis des décennies mais elle était quasiment inemployée en raison de la prédominance des énergies fossiles (bon marché). Si le prix de l’électricité renouvelable continue de baisser et si les émissions de CO2 ont un coût, l’électrolyse suivie de la synthèse des vecteurs énergétiques aura des chances de devenir un élément essentiel de l’avenir renouvelable.
La production de vecteurs énergétiques chimiques est une réaction d’équilibre, c’est-à-dire réversible. Cela signifie que ces vecteurs peuvent être retransformés en électricité. Les installations Powerto- X pourraient donc aussi intervenir dans le système d’approvisionnement en électricité. Les centrales au gaz et au charbon sont utilisées actuellement en backup pour équilibrer le réseau lorsque la demande d’électricité est forte. Cette solution est pertinente tant que ces centrales sont disponibles. Mais à plus long terme, les installations Power-to-X pourraient fonctionner en backup dans des pays comme la Suisse et produire de l’électricité pour l’exportation dans les pays à fort ensoleillement. Un marché doit émerger pour cette technologie afin que son prix baisse.
Compte tenu de la variation de l’offre d’électricité excédentaire, les installations Power-to-X devraient miser sur un modèle économique inhabituel pour des biens d’investissement. Contrairement aux installations d’approvisionnement en électricité traditionnelles, elles ne fonctionneraient que quelques centaines d’heures par an – lorsque des excédents d’électricité sont disponibles – pour produire de vecteurs énergétiques chimiques. Ou inversement, produire de l’électricité supplémentaire lors des pics de consommation.
Par conséquent, le coût d’investissement de ces installations ne doit pas être trop élevé et la demande de fonctionnement être assurée sur une longue période pour que le coût du capital reste faible. Nous sommes au début de l’histoire du Power-to-X, comme ce fut le cas pour l’automobile à une autre époque. Les voitures aussi roulent moins de 1000 heures par an. Elles sont pourtant très répandues grâce à leur faible coût qui est lui-même une conséquence de cette large diffusion.
Combien de temps utilisons-nous une perceuse par an ? En moyenne, une minute et demie. Le fait de ne pas avoir une perceuse chez soi ne va pas manquer à ceux qui ne sont pas des bricoleurs passionnés – jusqu’à ce qu’il faille percer un trou dans le mur. Ce n’est donc pas la machine en elle-même qui nous intéresse mais le service qu’elle permet.
En poursuivant dans cet ordre d’idées, des leviers cruciaux apparaissent pour rendre la consommation plus durable. Si dix personnes se partagent l’utilisation d’une perceuse, il n’y a plus besoin de dix perceuses mais d’une seule, ce qui réduit la consommation de matières. En d’autres termes, de nouveaux modèles de location et d’utilisation pourraient diminuer significativement le flux de matières et la consommation d’énergie et de ressources.
Coupler l’utilisation de la perceuse à un modèle économique (location, services) créera des emplois locaux – alors que la fabrication de la machine est probablement localisée en Chine. Pour les appareils servant rarement comme les perceuses, ces nouveaux modèles de location et d’utilisation seront plus durables; mais ils le seront également pour les biens de consommation d’utilisation plus régulière. C’est l’objectif de l’Union suisse des commerces spécialisés en radio, télévision et multimédia qui préconise un nouveau modèle économique: procurer une première fois à de bons clients des appareils de qualité, réparables, à durée de vie longue. Au bout de quelques années, ces appareils sont remplacés, nettoyés et placés une deuxième fois chez des utilisateurs plus sensibles au prix.
Les nouvelles conditions de détention changent aussi les exigences. En tant qu’utilisateur, je veux une machine qui marche. En tant que loueur, je tiens à mon appareil qui doit être robuste, résister à des erreurs de manipulation occasionnelles et pouvoir être réparé. Les fabricants pourraient aussi faire leur cette nouvelle vision. Le recyclage complet est en effet souvent la solution la plus économique. Avec un modèle économique intégré dans lequel la machine reste la propriété du fabricant d’un bout à l’autre de son cycle de vie, cela vaut la peine dès l’origine de concevoir des formes modulaires, certaines pièces pouvant être recyclées et d’autres réemployées selon leur valeur.
Dans une machine à laver par exemple, le moteur est l’une des pièces les plus chères. Si le fabricant standardise ses moteurs et les utilise plusieurs fois, il ne considérera plus que ses machines sont jetables mais qu’elles sont au contraire la matière première pour de nouveaux produits. Il reprendra la machine hors service et recyclera le moteur dans une nouvelle machine. Fabricants et entreprises de traitement des déchets se rapprocheront, et la séparabilité des matériaux devra impérativement être prise en compte dès la conception. Le produit deviendra un stock de matières premières.
C’est une règle de base de l’économie de marché: les ressources bon marché ont tendance à être gaspillées alors que les ressources chères sont bien gérées. «L’espace de décharge» des gaz à effet de serre dans l’atmosphère – malheureusement très limité – fait partie aujourd’hui de ces ressources particulièrement bon marché. Nous savons maintenant précisément combien de gaz à effet de serre nous pouvons encore émettre pour limiter le réchauffement climatique à moins de deux degrés. Au moins deux tiers des ressources connues d’énergie fossile doivent rester enfouis si l’on veut éviter un réchauffement aux conséquences imprévisibles. Les émissions de CO2 doivent donc impérativement être tarifées.
En instaurant la taxe sur le CO2 en 2008, la Suisse a pris une mesure courageuse. Dans le bâtiment, la taxe, ajoutée à d’autres mesures d’accompagnement, a conduit à une nette réduction des émissions de CO2. La Suisse doit donc poursuivre dans cette voie.
L’économiste Hans Werner Sinn a observé à juste titre qu’il fallait un accord international sinon les économies réalisées par les uns seraient gommées par les émissions provoquées par les autres. Il ne faut pas pour autant renoncer à fixer un prix du CO2 au plan national, voire au niveau interne dans les entreprises, pour réduire le risque de «stranded assets». Ces «actifs échoués» apparaissent lorsque des investissements (par ex. poids lourds diesel ou installations industrielles à fortes émissions) ne peuvent soudain plus être valorisés ou génèrent de nouveaux coûts en raison de nouvelles législations. Beaucoup d’entreprises ont identifié ce risque et prévoit un prix du CO2 pour prendre dès maintenant les bonnes décisions d’investissement. De plus en plus de banques évaluent les performances environnementales de leurs placements: si le prix du CO2 augmente, la rentabilité des technologies à fortes émissions se dégrade. Les établissements financiers prévoyants ont déjà commencé à réduire leurs risques en pratiquant une politique d’investissement durable.
Le prix du CO2 aura aussi un impact positif sur l’innovation. Un marché et de nouvelles perspectives à l’international s’ouvriront pour les technologies réduisant les émissions. La Suisse, pays riche et hautement développé, peut être un modèle dans la protection du climat. Si nous fixons un prix pour le CO2 et si cette mesure se révèle efficace, cela ouvrira la voie pour d’autres pays.
Il faut aussi promouvoir les technologies innovantes pour une autre raison: plus la voie sera clairement tracée et plus les coûts seront bas, plus il sera facile de parvenir à un accord international. swisscleantech est convaincu que l’engagement dans la lutte contre le changement climatique provoquera une rupture et fera naître un nouvel avenir économiquement attractif pour tous. Rien ne rend en effet la recherche d’une solution négociée plus difficile que le fait d’imaginer que cette solution pourrait figer, voire creuser l’écart entre pays riches et pays pauvres. Conclusion: même un petit pays comme la Suisse a de bonnes raisons de participer sans attendre à la réduction des émissions de CO2.
Les progrès de la numérisation permettent une meilleure gestion et donc des gains massifs d’efficacité, notamment dans le bâtiment et les transports. Avec le développement de l’économie circulaire, de nouveaux modèles économiques apparaissent qui peuvent réduire encore les émissions de gaz à effet de serre dans les secteurs les plus variés. Tout cela n’est possible que grâce aux progrès des capteurs et du traitement des données.
La technologie des capteurs, la mise en réseau, le traitement et la sécurité des données sont les quatre domaines essentiels dans lesquels la dynamique est considérable.
Les coûts des capteurs ont baissé massivement ces dix dernières années, permettant d’équiper les bâtiments à moindre coût et de réaliser d’importantes économies d’énergie grâce à l’automatisation – jusqu’à deux tiers avec une commande intelligente!
L’évolution est également frénétique dans la communication mobile. Le passage de la 4G (LTE) à la 5G va augmenter à lui seul les capacités de transfert de donnés d’un facteur 100 tout en baissant la consommation d’énergie d’un facteur 1000 par bit.
Parallèlement, le nouveau réseau étendu à longue portée (LoRaWAN) est une technologie qui permettra l’intégration des capteurs dans l’Internet des objets, à faible coût et énergétiquement efficace, quel que soit l’endroit.
La cybersécurité et la protection des données personnelles restent des enjeux majeurs dans un monde de plus en plus numérisé. Il faut donc des garde-fous garantissant la protection des données personnelles et nous permettant de prendre connaissance à tout moment des données personnelles collectées à notre égard.
Faut-il encore mentionner l’énorme augmentation des capacités de calcul? Avec les baisses de coûts dans la technologie de l’information, beaucoup de ménages possèdent maintenant une douzaine d’appareils qui ont une puissance de calcul supérieure à ce qu’il faudrait pour aller sur la lune. Grâce à cette puissance de calcul, la domotique moderne peut relier les données des capteurs aux données météo obtenues sur Internet et, à l’aide d’une simulation, assurer un confort optimal avec une consommation d’énergie minimale.
Depuis toujours, l’utilisation efficace des ressources est liée à l’efficacité des marchés, des marchés transparents, accessibles à tous et fiables. Que ce soit la shared economy, les échanges d’énergie produite de manière décentralisée ou la gestion des biens collectifs, des contrats sont toujours nécessaires pour établir des relations commerciales stables. La Distributed Ledger Technology – plus connue sous nom de blockchain – n’en est qu’à ses débuts, mais elle serait en mesure d’assurer la gestion des contrats de manière totalement décentralisée. Dans les secteurs de l’énergie et des transports, la gestion pourrait se faire en toute sécurité et efficacité sur des plateformes numériques.
Conclusion
Nous avons montré dans cette brochure les douze actions qui mèneront la Suisse vers un futur respectueux du climat. Reste à savoir si le jeu en vaut la chandelle – d’autant qu’on entend de plus en plus souvent dire que de toute façon, que la Suisse fasse quelque chose ou non, cela ne changera rien à l’évolution du climat.
Plusieurs universités, notamment l’ETH Zurich ou l’Université de Lausanne, ont élaboré des modèles ces dernières années et analysé comment le produit intérieur brut (PIB) évoluerait si la Suisse appliquait une politique climatique rigoureuse. Ces résultats ont été comparés à ceux qui seraient obtenus en poursuivant une politique moins ambitieuse, non compatible avec l’Accord de Paris.
Toutes les études parviennent aux mêmes résultats: les effets directs sur le PIB d’une véritable politique climatique seraient faibles. Certaines études estiment que les effets seraient positifs, d’autres pronostiquent une réduction du PIB d’un pour cent d’ici 2050, soit une diminution annuelle inférieure à 0,03 pour cent.
Ces modèles ne tiennent pas compte des dommages directs qui pourraient être induits par le changement climatique. D’après le rapport Stern, ils s’élèveraient entre 5 et 20 pour cent du PIB mondial, soit 4000 à 16 000 milliards de dollars par an. On ne sait pas encore exactement quel serait le coût pour la Suisse. Mais il est très probable qu’il atteigne annuellement une somme de l’ordre de quelques pour cent (moins de 10) du PIB suisse – soit plusieurs milliards de francs. Ainsi, les dommages représenteraient en ordre de grandeur un coût supérieur à ce qu’occasionneraient des pertes de croissance qui résulteraient éventuellement d’une politique climatique engagée.
En d’autres termes, l’économie suisse n’aurait rien à perdre mais tout à gagner si nous engagions une vraie politique climatique.
Impressum
Editeur
swisscleantech
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CH–8004 Zürich
+41 58 580 08 09
Texte et rédaction
Barbara Schaffner, Christian Zeyer (Texte))
Nadja Hauser, Fredi Lüthin (Rédaction))
Traduction
Marc Servien, Ablon (FR)
Relecture
Texterei Käthi Zeugin, Zürich
Conception graphique
Arndt Watzlawik, Visuelle Kommunikation, Zürich
© swisscleantech, 2018